mercredi 22 juin 2016

Le Retour

“Pour chacun de nous existent de multiples chemins, de multiples possibilités, celles de la naissance, de la transformation, du retour.” Hermann Hesse
Rentrer, retourner à la source. retourner à un soi que le voyage a un peu changé , patiné.

Le chemin, le long pas à pas fait dans un premier temps apparaître le but comme l'inaccessible étoile de Jacques Brel . Les jours qui passent, bons et moins bons, impriment au tableau un patchwork de sensations fortes et contrastées. Elles éclairent et cisèlent l'aventure de surprises quotidiennes, et donnent à saisir autant le voyage intérieur que les aventures offertes.

Et puis, au pas qui se confirme et s'assure, le but se fait tout probable, puis prochain.

Alors ? Alors l'approche est aussi le terme. Le Terme, vraiment ? Non, quelque chose a changé, par l'inaccessible apprivoisé, quelque chose a bougé dans la lente progression, quelque chose a mûri aux matins additionnés.

Quelque chose qui ne se dit pas comme une synthèse strictement ponctuée. Non, plutôt une douce musique interne, des cieux au coeur, une paix diffuse que je ne sais nommer .

Reprendre le fil du quotidien, c'est la nouvelle étape. Reprendre assise, poser nuages et images , apprivoiser le nouveau paysage.

Et qu'en dire, au retour, qui ne soit trop verbiage ?
Je ne sais ce que la rentrée au port dira de ce parcours. J'écris, je dis, je voudrais offrir les visages, les images. ...
Au bout de la magie, ouvrir la malle du parcours comme trésors d'orpaillage.
Offrir mille impressions et les ors du voyage.

mardi 21 juin 2016

Fisterra

Le dernier document atteste que le pèlerin est allé jusqu'au bout du chemin , c'est à dire le Cap Finisterre, à Fisterra.
Ce document n'a pas valeur religieuse.

La Compostela personnalisée

Elle atteste du pèlerinage, et du nombre de kilomètres effectués, ainsi que du lieu et date de départ du marcheur.

La Compostela

Le document attestant du titre de pèlerin, le voici.

 "Capitulum hujus Almae Apostolicae et Metropolitanae Ecclesiae Compostellanae
 
  sigilli Altaris Beati Jacobi Apostoli custos,
  ut omnibus Fidelibus et Peregrinis ex toto terrarum Orbe,
  devotionis affectu vel voti causa,
  ad limina Apostoli Nostri Hispaniarum Patroni ac Titularis Sancti Jacobi convenientibus,
  authenticas visitationis litteras expediat,
   omnibus et singulis praesentes inspecturis, notum facit:
 
  Dnum Paulum Marcum 
  hoc sacratissimum Templum pietatis causa devote visitasse.
 
  In quorum fidem praesentes litteras, sigillo ejusdem Sanctae Ecclesiae munitas, ei confero.
 
  Datum Compostellae die 11 junii
 anno Dni 2016.

  Secretarius Capitularis (sceau et signature)"

                                         traduction en français 
 
  "Le Chapitre de cette Haute Eglise Apostolique et Métropolitaine de Compostelle,
  gardien du sceau de l'Autel du Bienheureux Apôtre Jacques,
  afin qu'à tous les Fidèles et Pèlerins du Monde entier,
  mus par la dévotion ou par un voeu,
  et parvenant auprès de saint Jacques Apôtre, notre patron et protecteur des Espagnes,
  soit délivrée une attestation authentifiée de visite, 
  fait savoir, à tous ceux qui examineront les présentes,
 
  que Mr Paul Marc
  a visité ce très saint Sanctuaire, par motif de piété, avec dévotion.
  
  En foi de quoi, je lui remets ce certificat, frappé du sceau de cette Sainte Eglise.
 
  Donné à Compostelle le 11 du mois de juin
 de l'année du Seigneur 2016.
  Le Secrétaire du Chapitre (sceau et signature)"

Sésame

La credenciale !
C'est le sésame du pèlerin. c'est le document qui permet l'accès exclusif dans les auberges pèlerines. Ce document, accompagné d'une pièce d'identité valide, permet l'entrée dans ces auberges aux prix spéciaux, très bas, appliqués aux pèlerins.
Jour après jour, les tampons valident les étapes du chemin.
À l'arrivée à Santiago, c'est le passe qui fait foi du Chemin réalisé par le pèlerin. Ces validations, étapes après étapes, sont honorées, à Santiago, par la remise de la Compostella, auprès du bureau des pélerinages . Certificat qui atteste pour tout pèlerin qui le sollicite de sa venue vers le sanctuaire. La distance requise est d'un minimum de 100km.
Cette Credenciale est remise par les diocèses espagnols. En France ce sont les associations des amis de St Jacques qui la délivrent. Ce que je vous écris mériterait plus de détails que vous trouverez sans difficultés sur Internet.


Un joli album de tampons, 
au bout du chemin ! 

dimanche 19 juin 2016

Ô Toulouse !

Tout doucement, le retour du pèlerin. ...La France, après une bien surprenante étape au col d'Ibardin avec les amis. Ce qui pourrait sembler un petit village caché du pays basque espagnol est aussi une zone de commerce "duty free" à la frontière française. Retour choc amusé vers la civilisation ! 18 Juin.

Petit passage à Toulouse. ...O Toulouse! Comme une précieuse étape de retour, comme le port où  l'on revient poser l'ancre. Ma petite famille adoptive s'est bien inscrite dans mon coeur. " j'ai un petit havre à Tournefeuille ! ".

Mon étape Toulousaine visait aussi une autre halte. Vous vous souvenez sûrement de mon premier retour de Toulouse, à bord d'Isilines le 27 avril , vers Brest. 
Parfois il nous faut rechercher quelles sont ces synchronicités qui organisent nos rencontres. Les mathématiciens de la théorie du Chaos et de la physique quantique en parlent très sérieusement. Aussi sérieusement, CG Jung dans ses recherches sur l'inconscient.

Alors, très sérieusement. Le samedi 11 juin, alors qu'avec Gérard, je suis dans la file des pèlerins qui attend la remise officielle de la Compostella  (je vous la montrerai ), je reçois un mail enchanté de Brigitte. ....la traductrice de Japonais dont j'avais fait la passionnante rencontre dans le bus du 27 avril. Les facéties administratives de l'université sont telles qu'elle vient juste, ce 11 avril, de recevoir le courrier que je lui avais adressé il y a un mois pour prévenir de la nouvelle adresse de mon blog.
Touchée qu'elle est de retrouver le contact, elle m'envoie donc un mail qui me cueille juste dans cette file émouvante. Je le lui réponds, et lui décris mon projet sur les jours suivants. ..Fisterra. ..retour vers la France, étape à Toulouse, et rentrée. Elle me propose une halte lors de ce crochet toulousain , désireuse de me faire rencontrer son mari, comme elle très impliqué dans de hautes charges universitaires sur la langue et la culture japonaise.
Ce samedi, je lui téléphone donc pour proposer une visite. Mais celle que j'ai en contact est sérieusement bouleversée  par l'événement qui la préoccupe gravement cette semaine. Son mari est hospitalisé depuis quelques jours pour une très sérieuse attaque virale du coeur(myocardite ).

"Allez, me dit - elle, venez, votre visite me fera du bien ! "  . Notre rencontre ? Autant de retours sur le chemin que de précieux conseils de lectures d'extrême Orient, et le besoin pour Brigitte d'exprimer peurs et espoirs autour de la santé d'Yves Marie.
J'aurai appris sur le Camino combien toutes rencontres sont des étoiles qu'il nous revient de mettre en lumière .

Brigitte, meilleurs voeux et paix à vous!Yves Marie, bon courage dans cette épreuve ! Au plaisir d'une rencontre effective, je l'espère. Je suis passionné par l'écrit que m'a transmis Brigitte sur la poésie de Nakahara Chûya. Les bus, c'est un bon salon de lecture !

Puissent ces petits mots de Tahar Ben Jelloun vous donner un peu de paix.

L'amitié ne rend pas le malheur plus léger, mais en se faisant présence et dévouement, elle permet d'en partager le poids, et ouvre les portes de l'apaisement. Tahar Ben Jelloun.

Mes pensées amicales, Brigitte, merci pour cette rencontre !

19 Juin, entre Toulouse et Brest, Isilines.
Paul


18 Juin. L'inconnu de St Mars la Jaille !

Jusqu'au bout de mes écrits, je ne sais si vous recevez bien mes messages.
Aussi, aujourd'hui, en route vers mon bout du monde en Bretagne  (merci Isilines !), je réponds au touchant message d'Annick, de St Mars la Jaille.
Un message en forme de "on ne se quitte pas, hein ". Je crois que j'ai encore quelques petites touches à rajouter !

Annick C. a ajouté un nouveau commentaire sur votre article "17 Juin. Le jour d'après !" :

"en cette fin de parcours, j'ose reprendre contact avant la fermeture?de ce blog...

je t'ai suivi, chaque jour, toi l'inconnu d'un soir à st mars la jaille !

je suis admirative, est-ce parce que j'avais besoin de cet appel, de savoir qu'aujourd'hui tout n'est pas vain et qu'il existe des sensibilités, des rencontres qui peuvent apporter du bonheur, tout simplement
martine de la bibliothèque m'a bien fait suivre ton courrier, je t'en remercie

merci paul pour tout ce beau parcours et bon vent "
annick

Annick,
Merci pour ce chaleureux message. Annick, je te confirme que notre rencontre surprise de St Mars reste gravée comme une des pages les plus touchantes de mon voyage. J'en ai gardé une tendresse pour notre conversation aussi rieuse que profonde. Tu auras été parmi les étoiles du Chemin. Un chemin dont je vais encore quelques jours raconter les étoiles.

Ce blog va-t-il se fermer tout de suite ? Je ne sais pas encore. Je suis marqué par tout ce que j'ai vu, reçu, donné aussi, je crois, de beau, sur ces semaines de pérégrination.
De ma culture chrétienne que j'assume, de ma foi en la Vie, d'une foi en un Dieu dont je ne saurai affirmer le visage  (et c'est très bien ! ), de ce que m'ont appris les philosophes de la Mystique et du Taoïsme, je retiens qu'il faut regarder le beau de la Vie, s'en émerveiller chaque jour, que le bonheur c'est. ..aujourd'hui, et qu'il nous faut le choisir comme un art d'être au monde ! Le Chemin m'a renforcé dans ce doux regard. Étonnamment, je m'en sens tout humble, simple et en Paix.
Sur mon blog, j'ai un peu exprimé combien les épreuves de Vie m'ont appris aussi que l'acceptation sereine de ces souffrances fait partie du Chemin de Vie, et que seul à terme l'amour du jour présent  et de l'autre est gage de lumière. 
J'espère, Annick, que je ne parais pas trop "allumé "quand j'écris cela. Je me sais en bien des instants de Vie au contraire bien terre à terre, si ce n'est lourd. La sagesse ça ne vient pas dans l'illumination ou la conversion d'un jour, hein ! c'est du pas à pas, avec toutes les aventures du pas, bonnes et compliquées. C'est bien mon sujet, comme tu vois. Sur ce point les taoïstes me calment et disent, tu t'en doutes, qu'il n'y a pas même besoin de quitter sa maison !

Ce blog va -t-il fermer ? Une autre réponse encore. ...plusieurs des lecteurs et lectrices  (la belle sensibilité des femmes ! )se désolent auprès de moi, du fait du plaisir qu'ils ont pris à ces rencontres méditatives, photographiques, poétiques, et aux instantanés de vie que je relatais. L'on me presse un peu de continuer, voire de publier, de tenir conférence  ou d'en faire une conversion théâtrale (chacun des "on" se reconnaîtra....).
Je ne sais à cette heure. Mais je sais que la tenue des blogs m'a poussé loin dans l'engagement de me dévoiler un peu, loin aussi dans le souci de bien écrire, et de cela il faut que je remercie ceux et celles qui m'ont révélé à moi même cette capacité dans la durée. Dire la beauté de chaque jour est une belle, riche, et exigeante épreuve. Elle a largement approfondi le sens de mes pas !

Annick, j'espère que nous resterons en contact, hein ! Le bonjour aux amies de la Bibliothèque, et quand tu viens  vers le Finistère, ma porte est chaleureusement ouverte. Je t'ai mis mon adresse sur le courrier je crois.
Annick, vraiment merci pour notre merveilleuse rencontre, encore.
Paul




"Sois toujours toi - même ! "
Bon Chemin 

vendredi 17 juin 2016

17 Juin. Le jour d'après !

Plus encore que la journée d'hier, de Fisterra à Astorga en passant par Santiago, c'est celle d'aujourd'hui qui marque notre départ du chemin.

Depuis Astorga, pour rentrer en France, nous longeons longtemps le
Camino Francès. ...Castro Régis, Sahagún, Léon, Burgos, Logroño. ...nous remontons le serpent du chemin sur le plateau de la  Meseta. Ici et là, les silhouettes lointaines de pèlerins, de cyclistes. Nous pouvons présumer approximativement de leurs délais de marche vers Santiago.
L'image nous replonge un peu dans notre propre aventure depuis ces jours où "Santiago c'est bien loin" à ceux où le compte à rebours nous approche imparablement d'un but qui paraissait il y a quelques semaines encore bien hypothétique. Sans doute ces pèlerins matinaux sont ils dans ces dispositions lointaines encore.

Nous rentrons vers le pays basque où nous rejoignons le chemin que nous avons emprunté il y a quelques semaines.
Déjà dans la kyrielle d'images que nous portons, la mémoire fait sa hiérarchie.
Certains noms suscitent immédiatement des images, d'autres  interrogent. ."J'y suis passé, mais je n'ai déjà plus de souvenirs ! "
C'est ainsi ! Le chemin condense, épure. Le coeur organise un récit intérieur dans lequel s'organise un ordre  intuitif  d'émotions, de visages, d'événements.

Santiago garde sa touchante hauteur , ceci étant dit. Ce soir je reçois un mail de Didier qui écrit aux amis du Chemin pour évoquer sa propre arrivée aujourd'hui à Santiago. Didier que nous avions quitté à l'approche de Santander.Beaucoup d'émotions dans son mail. Quelques photos de sa dernière étape aussi. En les regardant je mesure l'effet d'aspiration, d'inspiration , d'allégresse que procure, jours après jours, l'atteinte du but mythique. Allégresse partagée, dans laquelle communient en fraternité les marcheurs de toutes origines. Ce n'est pas juste le terme d'une randonnée. C'est le sommet d'une rencontre de soi et de l'autre. Le temps, les efforts, la fatigue, les blessures, les épuisements . ...les joies, les images sublimes, les rencontres profondes. ...une Humanité en marche, que Santiago accueille depuis des siècles avec ferveur.

Au moment où mon retour vers la France éloigne la sentinelle de Galice, je sens qu'elle me laisse au coeur une touche lumineuse . Dans le musée du diocèse d'Astorga, nous avons pu admirer de magnifiques livres de prières . Peut être est ce là le miracle du Chemin. Un parcours quotidien d'enluminures, et en page d'or fin la prière en la Cathédrale de l'apôtre. Une page tramée au secret de chaque coeur. Une page qui, comme toute enluminure, prend, libre, son propre chemin intérieur...parfois elle illustre, parfois elle magnifie, parfois elle "féérise" , parfois elle crée une autre légende, un autre récit.
Un peu comme ce blog. Récit à plusieurs  tempos, à plusieurs voix, à plusieurs regards, à plusieurs écoutes . ...ceux et celles que le chemin offre, ce que mes sens en retiennent et recueillent, ce que j'en transmets. ...images et pages !


Et le récit d'un pèlerin se fait ainsi toujours unique, au coeur même des mémoires de  la foule des Cheminants du jour.

jeudi 16 juin 2016

Astorga, le musée

Astorga, des images.

16 juin. Santiago, Astorga.

Les grandes traversées trouvent leur port.
Une fois écrite l'aventure qui va vers Santiago et Fisterra, il n'y a pas lieu  (ce serait se mentir à soi même ) de s'inventer de nouvel et immédiat Annapurna ! Et puis, ce n'était pas l'Annapurna !
Non , ce jour est une douce journée de retour vers la normale, dira-t-on !
Un bus dès l'aurore pour rentrer à Santiago .
Une  heure et demie de voyage vers le sanctuaire. Tout l'espace requis pour bâtir les premiers fondements de la mémoire, en retour sur mémoire. "tiens, Negreira ! C'était il y a déjà 4 jours ".
L'approche de Santiago "Tu te souviens ? On est passé sur ce pont en arrivant. Et le rond point, là, je le revois ! "
Un petit retour, en forme de mini pèlerinage, aussi, près de la Cathédrale. C'est un besoin, ce matin, une dernière étape, un dernier salut de pèlerin, que de nous rendre sur le parvis , des fois que. ...
Nous y assistons aux émotions des divers arrivants de l'heure  (10h) , en un rappel ému, touché, et déjà un peu "intégré , de celles que nous avions vécues samedi.
Oui, c'était samedi. ...et dans les arrivants de ce matin, nous reconnaissons des visages que nous avons vus en route. ...mais quand ? Déjà la mémoire fait un peu défaut pour certifier si c'était. ...Gijón ? ...non, Santander ? .....Oh, je ne sais plus ! Loin de nous l'idée d'évaluer l'effort, le "retard "à l'arrivée. A chacun son pèlerinage. Et je sens que chaque pèlerinage est une aventure unique et merveilleuse. Je ne puis ce matin m'empêcher de regarder avec admiration et respect  tous ces marcheurs qui descendent sur la ville  (ah, je ne vous ai pas dit samedi que l'on descend sur la Cathédrale depuis les hauteurs des montagnes environnantes! ). Respect et admiration, oui, pour l'immense communauté fraternelle qui ajoute chaque matin un sourire aux matins du Monde. Ils seront encore plus de mille aujourd'hui !
De cette fraternité mondiale monte chaque jour une prière d'allégresse émue.
Ce chemin, c'est bien sûr ce qui le distingue de toute autre aventure pédestre. ...un chemin qui ne demande pas seulement d'où tu viens ,et où tu vas , mais aussi ( et la question taraude. .) "Pourquoi tu es là ? ".
Et puis, il nous faut bien quitter le sanctuaire magique,prendre la route vers la France.

Allez, une petite étape aujourd'hui  (voiture) , vers Astorga, sur le Camino Francès, à 300m de Santiago. une proposition de Gérard, marqué il y a trois ans par la découverte de la majestueuse Cathédrale.
Eh bien, pour se redonner envie du Camino, il n'y a pas mieux que cette magnifique mémoire patrimoniale et liturgique  (le musée de la Cathedrale d'Astorga est un bijou ! ).
Voilà, il faut dire "au revoir ", il faut en douceur retenir de ces jours les plus beaux, les plus grands, et accepter que la mémoire déjà y fasse oeuvre d'élagage !

mercredi 15 juin 2016

De Cee à Fisterra

Derrière les voeux de Patrice, la dernière étape en poésie. Chaque jour sa poésie !

Le chemin, ce sont tes pas, 
Rien d'autre.
Marcheur , il n'y a pas de chemin. 
Le chemin, ce sont tes pas qui le font. 
Antonio Machado. 
11h, vers Fisterra, le but. 
Le port. 

Le Phare de Fisterra, au bout du Cap.

Allez, florilège d'images au phare de Fisterra. Petite assemblée discrète et  chaleureuse, communiant dans un doux rituel profane de salutation du Bout du Bout.

Aux premiers temps de pèlerinage,
Les limites de connaissance 
Faisaient de ce lieu 
Le début de 
La Tierra incognita et misteriosa. 

15 juin. Fisterra

Qu'y-a-t-il au bout de mille et mille pas. ..Qu'y-a-t-il au bout de mille et mille rêves. . .
De mon Finistère au Cabo Fisterra !
J'y suis. Au dernier des derniers, au kilomètre zéro, juste une douce félicité .
Nous ne sommes pas nombreux en cet après midi orageux. Les lourdes averses on dû arrêter quelques frileux.
Le phare est une rencontre intime. Du bonheur dans les yeux, de la paix dans les bonjours. Retrouvailles affectueuses de tel ou tel que nous avions perdu ces derniers jours.
Près du phare, quelques timides tentatives de brasiers. Mais ce jour ne compte vraiment pas enflammer les hardes du chemin.
Alors, les conditions sont juste réunies pour de discrètes méditations , des connivences silencieuses, des gestes mutuels de douces félicitations.
Pour ma part, je me vois de nouveau emporté par de profondes émotions.
Le coeur se pose sans résister à compter les signes de ces jours, le long défilement de souvenirs qui vont et viennent, sans ordre ni hiérarchie.
Des bribes de mots sur le bord des pensées, de secrets sourires à la porte des lèvres, quelques larmes encore.  L'émotion émerveillée, émue, du rêve réalisé, de tout ce qu'il portait, de tous ceux qu'il portait.
Ce jour n'arrête pas de nous offrir son lot d'averses. Notre sortie vers le phare  (6km aller retour )a miraculeusement profité d'une pause ensoleillée. Mais cette fin d'après midi humide à souhait nous fait nous couvrir de ce que nous avons de plus chaud.
L'allégresse a des allures de feu de bois plus que de plages ensoleillées. j'ai renoncé à me baigner, tiens ! Petite timidité, même pour le breton hardi !
Allez, la joie est une belle cachée, ce soir ! Mais qu'elle est belle !

mardi 14 juin 2016

Les voeux du 15 juin

Bonjour Paul
Demain, aujourd'hui... (déjà !?!) tes yeux fixeront l'ultime (?) borne, celle du zéro et au delà la mer. Je sais pour l'avoir vu, ressenti, partagé, ce que cela représente. Je sais que ce n'est pas qu'une chaussure, un objet, une photo, un bâton de marche que les gens posent là, comme un ultime don, un clin d'œil, un cadeau précieux...Je devine celui qu'en échange ils reçoivent....Car Je sais le deuxième sanctuaire, profane, humain, le feux qui, tu le constateras, n'épargne pas tout à fait l'idole....et laisse derrière lui...ce qui est trop dur  à brûler ??
Je sais aussi le profond respect que m'inspirent ces gens que, des jours et des jours durant, j'ai vu "cheminer".
Respect donc à toi, à tes compagnons de route.
Un livre ? Sans conteste une bonne idée ! Mais modestement une autre proposition me vient, toi qui aime le théâtre.... Je crois que c'est sur scène qu'il faut raconter ça ! Et je t'avoue tout bonnement que j'aimerai en être de cette marche là !

Ce serait aussi une sacrée aventure humaine....Mais remettons cela à plus tard car à chaque jour suffit sa peine....et sa joie et pour aujourd'hui te voilà servi.....

Patrice.

Machado

Hier, aujourd'hui, demain
Ramassés dans le même écho. 
Le 3 avril , sur mon premier blog,
Je proposais la lecture
D'un bel envoi de Michèle. 
Machado. 
Aujourd'hui, je retrouve le texte, 
Votive anglaise 
Au pied d'un calvaire. 
Et ce soir, il est inscrit 
Au mur de l'auberge, 
En espagnol. 

Signaux

Il peint, il recolle...
Artisan discret 
De la pérennité du chemin. 
"Mais tout à l'heure, 
J'irai prendre un café à l'auberge "
Nous dit -il 
Dans un français bien posé ! 
39km ! Fisterra est au km 0!

14 juin. Jusqu'à Cee. Hasta Cee. ...

Santa Mariña.
Je ne saurai quoi vous dire d'un petit hameau improbable, à quelques 40 km de Santiago. Et que dire de cette chaleureuse petite auberge. Il y a ici beaucoup de ces auberges, petits havres de vie, qui font vivre autant le village que le chemin des pèlerins..auberges , mais aussi cafés restaurants, voire épiceries.
C'est toute une survie économique qui se tisse ainsi, sur les subsides des passants, survie qui vaut dans le même élan pour les services locaux.

Aujourd'hui, une dernière difficulté avant les dernières pas demain vers Fisterra. Une dernière difficulté que le climat va nous complexifier un peu, s'il en était besoin. C'est une journée d'averses, nous dit la météo. Les averses, en Galice, ce sont des trombes d'eau, aujourd'hui en tout cas. C'est pour moi la journée la plus humide, avec celle que j'avais vécue en avril du côté de Treignac ! Le Camino se mérite jusqu'aux derniers pas !

Une fois déclarée la fiche météo, il m'est permis de vous dire combien est belle cette Galice sauvage, montagneuse, fièrement posée dans ses traditions architecturales. . les plus beaux greniers de Galice, c'est aujourd'hui et demain que nous les rencontrons, aujourd'hui aussi le magnifique mariage entre montagne et mer. De cette rencontre, il n'y a pas une photo. Au moment de descendre vers l'océan, un gros grain nous a voilé l'horizon maritime derrière un solide rideau de pluie.
La mer ce sera pour demain,en photos.

C'est le terme du voyage qui s'invite. Le terme ? Je ne saurai vous l'affirmer. Je vous dirai encore les "à rebours" , les analyses tempérées de ma petite aventure sur quelques semaines encore, je pense.

Le terme ? Après le point sublime, Compostelle , voici venir le point de pause. ..et de pose, pourrais - je dire. Le point où les émotions fortes de Santiago, et de toute mon avancée pédestre, seront remises à l'estran de la plage du Cabo Fisterra, offertes à la caresse de l'océan dans une allégresse retenue, un petit "je l'ai fait ! " à l'adresse de l'immensité.


lundi 13 juin 2016

13 juin, Santa Mariña.

Lundi 13 juin, Santa Mariña.
Deuxième jour de marche au delà de Santiago. Eh bien , Santiago, j'y suis encore, je le sens. L'après est encore le jour J. Beaucoup des pèlerins du jour goûtent ces étapes vers la mer comme des gourmets qui n'auraient pas encore recueilli tout le suc de l'expérience pèlerine. Pour chacun et chacune, redire le trajet, remémorer telle halte, ou l'addition des précédents Caminos, c'est encore rechercher le sens caché  ( au minimum voilé) d'une épreuve qui marque, qui touche d'une indélébile signature. ...
Alors la déambulation vers Fisterra et Muxia peut être le temps de cette expression, de cette respiration.
Et le chemin s'y offre, bienveillant, paré d'atours hospitaliers et attachants. ..sous bois, collines rurales verdoyantes.
Le temps ? C'est comme en Bretagne, vous savez.   Il fait beau. .....plusieurs fois par jour !
Averses de soleil et rayons de pluie, ou  vice versa, c'est comme vous voulez ! On ne peut pas tout réclamer, les verts pâturages et l'or du ciel !
Je crois que jusqu'au bout, jusqu'à Fisterra, le Chemin s'ingénie à ensorceller le pèlerin dans ses surprises magiques.